En furetant dans ma bibliothèque à la recherche d’un bon vieux Georges Markstein, j’ai frôlé par hasard et du bout des doigts une petite édition bien sympathique de A view to a kill de Sir Ian Fleming.  Une édition bilingue dans laquelle les textes français et anglais se coudoient, pour la plus grande joie de l’anglophile que je suis.

Bond.  James Bond.  Quel héros !  Jamais un personnage n’a tant été envié et poursuivi dans les rêves les plus fous, des hommes comme des femmes.  Peu le détestent.  Enfin, plutôt devrais-je préciser : peu le détestaient.  Ce héros si macho, à la limite de la goujaterie (parfois), est parvenu à passer à travers la critique durant un paquet de décennies.  Fumeur, buveur, bagarreur (beaucoup plus dans les livres qu’au cinéma), voleur, frimeur, agitateur, coureur et dragueur.  De nos jours, ce dernier qualificatif passerait pour du harcèlement (#denonceTonBondJamesBond).

En feuilletant les pages, je me suis demandé si finalement, les livres de Sir Ian n’étaient pas (plus) (que) le témoignage d’une époque révolue que certains qualifient de barbare, de rétrograde ou de dépassée.  Il suffit de se refaire les Bond version ciné pour constater toujours un peu plus de lissage : moins de liquides, fini les clopes (même pas un cigare en jouant aux cartes), out les gonzesses à moitié nues dans l’arrière décor, une Moneypenny jeune et black (très jolie d’ailleurs), et une vieille bonne femme “M” qui dirige le Mi6.  M pour Mère !  Vraiment ?

Bond semble devenir un reflet de la société, en tout cas au cinéma.  Dans les livres, c’est autre chose.  Solo, écrit par le très précis et très loyal William Boyd, d’une fidélité fleminguienne sans faille, renonce à cette modernisation du personnage.  Tant mieux.  Peut-être est-ce parce que cette aventure ne se passe pas à notre époque ?  L’auteur a-t-il joué la carte de la prudence en poussant à l’extrême sa filiation ?

En refermant ce petit livre (A view to a kill est une nouvelle), je me suis mis à rêver que Saint Val pourrait un jour devenir le nouveau James.  Il est vrai qu’ils combattent tous les deux un obscur ennemi : le SPECTRE pour James, le MECH pour Saint Val.  Tous les deux sont aussi fidèles à leurs pays et aux symboles de ce dernier.  Le Jack pour James, Marianne pour Saint Val.  Finalement, le monde de l’espionnage – le vrai – n’a pas vraiment changé, lui.  Bien sûr les nouvelles technologies – dont on ferait bien d’arrêter de dire qu’elles sont nouvelles depuis vingt ans – ont révolutionné les choses, mais l’espionnage reste le métier qu’il était durant la Guerre froide.

Alors que les vrais espions courent pour sauver le monde, comme avant, pourquoi vouloir féminiser James Bond à tout prix ?  Pourquoi chercher à intégrer des espions homosexuels (dont je ne ferai pas la publicité) dans le décor ?  Comme si c’était une nouveauté !  Pourquoi ne pas alors  équiper Bond avec un taser afin qu’il ne tue ses adversaires (on ne peut déjà plus écrire ennemis) ?

Non, moi je vous le dis :  aussi vrai que j’ai reposé ce livre en me promettant de le relire un de ces jours, Saint Val continuera à siffler des trucs qui frisent avec les quarante degrés, à s’inonder la gorge d’un drôle de mélange de tabac brun, de goudron et de nicotine. La chasse à la belette restera autorisée, et la saison des rousses aux yeux verts ouverte toute l’année, éphélides ou pas.   Serpentes restera un homme ! Enfin tant que le Président de la République en restera un.

Alexandre HOS

By Aspic

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